• Le Cambodge et la France

    La France compte trente-six millions de sujets sans compter les sujets de mécontentement - Henri de Rochefort

     

    par Jean BARRÉ
    Janvier 1968

    1966 : visite du Général De Gaulle au Cambodge

    La visite du Général de Gaulle au Cambodge en 1966 a confirmé et resserré
    les relations d'amitié qui existent entre les deux peuples. On voit ici une partie
    du stade décoré de deux grands portraits du chef de l'Etat et du président dela République

     

    Interviewé le 20 août 1966 - quelques jours avant la visite au Cambodge du président de la République française - par François Chalais, de l'O.R.T.F., le prince Norodom Sihanouk déclarait : "Depuis le retour au pouvoir du général de Gaulle, la France accorde un soutien résolu à notre politique d'indépendance, de paix et de non-alignement, ainsi qu'à la défense de notre intégrité territoriale. Elle consent, en outre, une aide inconditionnelle généreuse à notre édification nationale. C'est l'unique puissance occidentale qui reconnaisse sans réticence ni équivoque l'authenticité de notre neutralité et les progrès que nous avons réalisés par nos propres efforts et sacrifices."

    Il est de fait que les relations entre la France le royaume khmer sont particulièrement étroites et confiantes. Accueillant le Général de Gaulle à l'aérogare de Phnom-Penh, le prince lui disait : "Vous êtes à nos yeux le symbole d'une France chère aux cœurs de six millions de Khmers, parce qu'elle est leur plus fidèle amie."

    Si le Cambodge porte estime et affection au chef de l'Etat français, en qui il voit, pour sa recherche passionnée de l'indépendance et de honneur, le "meilleur des modèles", c'est bien la France tout entière qu'il aime.

    Cette amitié date en fait d'un siècle. Au temps de la "domination coloniale", les Français du Cambodge surent, en général, éviter l'écueil du racisme et beaucoup témoignèrent sympathie et estime au peuple khmer, héritier d'une vieille et glorieuse civilisation, peuple doux et fier à la fois, avec qui les rapports humains sont extrêmement agréables. Mais c'est évidemment l'indépendance, acquise le novembre 1953, qui permit à cette amitié de s'épanouir pleinement, entre égaux. Son premier artisan fut sans conteste le
    prince Norodom Sihanouk, capitaine de cavalerie de Saumur, journaliste de talent en français comme en khmer, orateur étonnant dans les deux langues, lecteur de l'Equipe et du.... Canard enchaîné.

    Six mille ressortissants français vivent actuellement au Cambodge, alors qu'ils étaient moins de trois mille en 1953. Beaucoup de ceux-ci viennent de Hanoï, où ils n'ont plus leur place, de Saigon et de Vientiane, où l'Américain est roi ; nombreux sont aussi les Français de métropole qui écrivent aux autorités khmères pour solliciter un emploi dans ce royaume que la télévision leur a
    présenté sous des dehors charmants et d'ailleurs véridiques. Il n'y a naturellement que très peu d'élus, car le budget cambodgien est modeste.

    La présence culturelle française est partout visible, dans les rues où les bâtiments publics et de nombreux magasins ont leurs enseignes en français en même temps qu'en khmer, chinois ou vietnamien, sur les routes où les panneaux de signalisation et certaines bornes kilométriques sont également rédigés en français. Phnom-Penh possède deux quotidiens et un hebdomadaire khmers en langue française, un hebdomadaire bilingue et deux belles revues mensuelles, Kambuja et le Sangkum, éditées en français sous la direction personnelle du prince Norodom Sihanouk.

    Mais c'est dans les écoles que naît la culture. Celle de la France est enseignée au Cambodge à partir du cours complémentaire. Plus de trois cents maîtres français professent dans les collèges, lycées et établissements d'enseignement supérieur que le Cambodge multiplie depuis quelques années. Il existe en outre, dans la capitale, un lycée français, le lycée Descartes, qui reçoit au total 2 500 élèves, et des établissements français, religieux et privés, qui réunissent plus de 6 000 élèves.

    Le nombre des experts français d'assistance technique est en augmentation.

    Ces experts travaillent dans la plupart des ministères et grands services, entretenant des relations excellentes avec leurs "employeurs" khmers. Il existe également une mission militaire française, dirigée par un général de brigade français, qui participe à l'instruction des forces khmères.

    L'aide française au royaume est multiple et ne comporte aucune condition. Elle s'est élevée à 75 millions de francs de 1955 à 1960, qui ont permis la construction de l'appontement du port de Sihanoukville, de l'aérogare de Pochentong, d'un central téléphonique de 2 000 postes, des laboratoires de l'Institut Pasteur, de l'hôpital Calmette.

    Depuis 1955, chaque année, l'aide technique française organisée se monte à 20 millions de francs environ. En juillet 1964, un protocole a été signé entre les gouvernements cambodgien et français prévoyant un prêt financier de dix ans, d'une valeur de 160 millions de francs, destiné à financer l'extension du port de Sihanoukville et une raffinerie de pétrole ; un accord séparé, portant
    sur 10 millions de francs, concerne la construction d'une école d'agriculture et d'une école normale supérieure.

    L'aide militaire française au Cambodge consiste, en dehors d'une participation à l'entraînement des forces khmères, en dons de matériel d'artillerie, de blindés, d'aviation, de véhicules de transport, d'armes et munitions de toutes sortes, pour une valeur relativement importante.

    Signalons que sur le plan économique la France est le premier client et le premier fournisseur du Cambodge. Les produits français, la "qualité" française, sont particulièrement appréciés par les Khmers. Le parc automobile, par exemple, est composé pour les trois quarts de Peugeot, Citroën, Simca ou Renault. Les parfums, comme les vins, viennent de France.

    La cuisine française possède des "sanctuaires" non seulement dans la capitale, mais aussi dans les principales villes touristiques du royaume, etc.

    Si le rêve de beaucoup de Français est de visiter le Cambodge, le rêve de presque tous les Khmers est de visiter la France, qui leur est déjà familière par leurs études, leurs lectures, les films et les publications diverses, et où ils sont assurés de trouver partout un accueil très amical. Ceux qui ont été étudiants en France - c'est le cas d'une bonne partie de l'élite actuelle - ont souvent ramené... des épouses françaises, qui ont su en général se faire admettre et aimer par les familles de leurs maris.

    Le Cambodge, a dit le prince Sihanouk au Général de Gaulle, c'est une France méridionale dont les habitants seraient bronzés.
    Bien sûr, c'était de l'humour. Mais il y a tant d'affinités, d'"atomes crochus" entre les deux pays, d'affection vraie et sincère, de mimétisme parfois, que la boutade princière était plus profonde qu'on ne pouvait croire.

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    Anecdote
    Un soldat cambodgien a sauvé la vie du Général de Gaulle durant la 2e guerre mondiale : il l'a tiré d'une fosse juste avant qu'une bombe ne tombe dessus. Quand le Général est allé au Cambodge et rencontré le Prince Sihanouk, il a aussi rendu visite à ce soldat et lui a offert une Peugeot 404 !

     

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    (c) Apsara2001

     

     

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  • Commentaires

    1
    marianne poughon
    Dimanche 17 Mai 2015 à 12:02

    je me souviens de cette visite et du faste qui l'entourait

    2
    Jeudi 19 Avril 2018 à 22:33

    Bonjour Marianne, je ne viens quasiment jamais sur mon site. Je passe aujourd'hui et j'ai eu la bonne surprise de voir votre commentaire. Vaut mieux tard que jamais comme on dit et en espérant que vous verrez mon commentaire, est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur cette visite ? Vous êtes une des très rares personnes qui a pu vivre ce grand moment. Merci.



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