• Le Ballet Royal

    L'art ne reproduit pas le visible mais rend visible - P. Klee

    par Hang Thun Hak,
    Recteur de l'Université royale des Beaux-Arts.
    Janvier 1968

    Cet art n'est pas inaccessible au profane mais a une valeur universelle qu'au début du siècle notait Auguste Rodin : "Ces Cambodgiennes nous ont donné tout ce que l'antique peut contenir ; leur antique à elles qui vaut le nôtre. Nous  avons vécu trois jours d'il y a trois mille ans. Il est impossible de voir la nature humaine portée à cette perfection. Il n'y a eu qu'elles et les Grecs".

    Aussi loin que l'on remonte dans l'histoire du Cambodge, la danse semble avoir été un des aspects les plus délicats de l'art khmer. Aussi les bas-reliefs qui ornent les grands temples de l'époque classique sont-ils emplis de ces danseuses célestes, les Apsaras, venues du paradis d'Indra pour le plus grand plaisir des rois.

    La tradition est si fortement enracinée que le Ballet Royal a pu se maintenir sous une forme assez pure jusqu'à nos jours. Actuellement, dirigé personnellement par S. M. la Reine, il conserve une importance qui lui a valu une renommée internationale. En effet, le allet s'est écarté des influences extérieures par le fait qu'il garde, au palais royal, le rôle rituel d'offrandes aux
    mânes des souverains défunts. Les danses sont précédées de rites propitiatoires qui, de ce fait, figent pour toujours le drame représentéet la chorégraphie qui l'accompagne. Si les danses ont perdu en partie leur caractère sacré, elles n'en gardent pas moins une importante fonction rituelle.

    Cambodge : ballet royal - coursCambodge : ballet royal - coursCependant, le Ballet Royal reste une école vivante : près de trois cents enfants suivent chaque semaine les cours de danse enseignés par dix-neuf maîtresses de ballet ou par les étoiles actuelles. L'entraînement est pénible.

    Commencé à l'âge de quatre ans, il comporte des exercices d'assouplissement général, d'élongation des doigts, etc., qui permettront
    quelques années plus tard à la jeune élève de s'initier à la chorégraphie classique proprement dite.

    La base même du répertoire est le Reamker version cambodgienne du Ramâyâna indien, transmis oralement au cours des siècles et peu à peu adapté à la mentalité et aux coutumes cambodgiennes. Quelques épisodes tirés du Mahabarata et des légendes cambodgiennes sont aussi parfois représentés. Quelques tableaux de danse pure complètent ce vaste ensemble.

    Danseuse étoile : Bopha DeviDanseuse étoile : Bopha DeviLa troupe du Ballet Royal comprend actuellement une danseuse-étoile, la princesse Bopha Devi, cinq premières danseuses, cinq hommes et dix-huit ballerines formant le corps de ballet.

    S. M. la Reine apporte un soin particulièrement attentif et vigilant pour que les moindres détails de chorégraphie soient respectés afin que se perpétue intacte une tradition qui risquerait vite de se perdre à notre époque.

    Il est difficile de décrire ces danses en quelques lignes. La caractéristique de la chorégraphie classique cambodgienne est que la danse ne possède pas de gestes fixes, mais des figures en perpétuel mouvement, ce qui donne à l'ensemble une fluidité unique en Asie. Vingt-quatre musiciens et dix choristes accompagnent les gracieuses évolutions des danseuses khmères, vêtues
    d'habits brodés de fils d'or et parées de splendides bijoux. Ce qui frappe d'ailleurs, c'est l'aspect mimé de ces danses, dont les gestes stylisés à l'extrême confèrent à l'ensemble un caractère à la fois théâtral et chorégraphique. Tel geste, lié à un port de tête particulier et à une position bien définie des bras et des jambes, a valeur de mot et les mouvements enchaînés les uns aux autres prennent alors valeur de phrases. Chaque personnage combine des gestes qui lui sont propres et dont les danseuses
    ne sauraient s'écarter. Les règles les plus strictes façonnent chaque suite de mouvements, même si leurs symboles sont maintenant inconnus des ballerines qui continuent néanmoins de les reproduire fidèlement. Un entraînement méticuleux leur fait répéter chaque figure au centimètre près, ce qui explique que la tradition, transmise pourtant oralement, ait pu se conserver jusqu'à nos jours.
    Ainsi, on comprends mieux pourquoi le corps de Ballet classique cambodgien fait du palais royal de Phnom-Penh un des hauts lieux artistiques de l'Asie. En cela, il mérite que l'on apporte à sa conservation les soins les plus attentifs.

     

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    (c) Apsara2001

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